La bande dessinée d'Afrique en Europe : une ère nouvelle ?

Publié le par Livres et Auteurs du Bassin du Congo

Z--33-.JPGCoup de projecteur sur trois dessinateurs talentueux d’Afrique Centrale. Christophe Cassiau-Haurie, spécialiste et auteur de nombreux ouvrages sur la BD africaine, les a questionnés sur leur parcours, leur vision de la bande dessinée et leurs projets futurs.

 Al’Mata, abréviation de son nom Alain Mata, est arrivé de RDC en 2002 et vit depuis en France. Il a tout d’abord participé à un album collectif publié chez Albin Michel en 2005 et intitulé « BD Africa, les africains dessinent l’Afrique ». En 2008, son album « Le retour au pays d’Alphonse Madiba dit Daudet » est publié mais n’a pas pu être distribué par l’éditeur. Sa réédition en 2010 dans la collection « L’Harmattan BD » dirigée par Christophe Cassiau-Haurie lui aura permis de trouver son public et d’avoir une vraie visibilité. Al’Mata travaille actuellement sur un projet commun avec son compatriote Barly Baruti, également présent sur cette table ronde.

Adjim Danngar vient, lui, du Tchad et a le statut d’exilé politique depuis 2004. Il était dessinateur de presse au Tchad, et c’est à cause de cette activité qu’il a dû quitter son pays et venir s’installer en France. Il a donné des ateliers BD à N’Djamena et a beaucoup travaillé en association autour du dessin de sensibilisation. Il a participé pour le moment à deux albums collectifs publiés également à L’Harmattan BD « Thembi et Jetje » et « Sommets d’Afrique » et travaille actuellement sur le projet d’un album individuel.

Le doyen de cette table ronde était sans conteste Barly Baruti, le dessinateur le plus prolifique d’Afrique. Il a publié pas moins de trente albums dont la fameuse série des « Mandrill » en collaboration avec Frank Giroud chez Glénat. Barly Baruti était à ses débuts un des seuls représentants de la bd africaine, si tant est qu’il existe une seule et unique bd africaine. Mongo Sisé l’avait précédé, en effectuant un stage au studio Hergé et attisant ainsi la curiosité des Européens pour les dessinateurs africains.

Christophe Cassiau-Haurie demande ensuite aux trois intervenants s’ils considèrent qu’il y a eu un effet « Aya de Yopougon » sur la bande dessinée africaine. Est-ce que le succès fulgurant de la série créée par Marguerite Abouet et Clément Oubrerie a eu un impact sur la perception et la visibilité des bandes dessinées africaines ? Barly Baruti est partagé car il estime que nombre d’entre eux travaillent de la même manière depuis cette publication. Il compare ce projet à celui de Mandrill : Barly Baruti a connu le succès quand il a travaillé avec Frank Giroud, un scénariste français, car celui-ci connaissait bien le milieu de la bande dessinée en France et aussi car il savait ce que le public attendait. Tout comme Aya, Mandrill livre une vision de l’Afrique qui correspond à celle attendue par le public. Il conclue en disant « je ne suis pas le Hergé d’Afrique ! » et tend de plus en plus à livrer une Afrique brute, faite par et pour les africains.

Christophe Cassiau-Haurie se demande enfin si la reconnaissance doit forcément passer par l’Europe. En effet, les trois dessinateurs présents vivent tous en Europe, deux en France et un en Belgique. Ils regrettent de ne pouvoir être lus chez eux, mais les difficultés sont nombreuses, notamment politiques. Le dessin est surtout utilisé dans leurs pays respectifs pour glorifier le pouvoir, par exemple « Il était une fois Mobutu » a été la bande dessinée la plus diffusée en RDC. Ils essaient cependant de garder un lien avec leur pays, Al’Mata participe régulièrement à des publications locales, comme dans la revue Kin Label et Barly Baruti a un espace culturel sur place dont le but est le transfert de compétences : il veut rencontrer et former la relève.

 

Pauline Pétesch

Photo : Adjim Danngar, Barly Baruti, Christophe Cassiau-Haurie & Al'Mata

Publié dans Tables rondes

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