« Cinquante ans de littérature congolaise », Wilfried N'sondé, Yvan Amar, Henri Lopes et Jean Blaise Bilombo Samba

Publié le par livresdubassinducongo.over-blog.com

2854498214_2-1-.jpgTrois compatriotes et confrères se sont livré, le 27 mars 2101, au Salon du livre de Paris, sur le stand Livres et auteurs du Bassin du Congo, à une réflexion sur un sujet d'actualité continentale et débattu ici dans sa dimension nationale. Il s'agissait de faire le bilan de la littérature congolaise, cinquante ans après l'indépendance. « Déclic ou pas déclic ? », demande le modérateur, poussant chacun dans ses retranchements.


L'ambassadeur et écrivainHenri Lopes considère la littérature « comme des saisons ». Il situe son point de départ - en tout cas au Congo - à l'époque de l'indigénat où les Noirs en général, et les Congolais en particulier, étaient déjà capables d'écrire, comme en témoignent la formation d'un groupe de réflexion appelé le « Groupe des évolués » et la création de la revue Liaison intéressant les deux rives du Congo.
Tchicaya U Tam'si est l'une des premières sources d'inspiration, mais « la littérature congolaise existe avant et après l'indépendance », indique Henri Lopes, avant de préciser qu'il n'y a pas d'école littéraire : « Chacun fait selon son inspiration. Nous sommes ici des ancêtres de la littérature congolaise ».


Yvan Amar interroge les intervenants sur la place que tient la fiction dans leur littérature. Pour Wilfried N'Sondé, l'auteur du Silence des esprits - publié chez Actes Sud (2010) -, la littérature n'est pas géographique : « J'ai l'ambition de décrire l'humain, qu'il soit à Brazzaville ou à Berlin, l'axe ne compte pas », souligne-t-il. Parler, par exemple, d'un jeune homme qui a participé à la guerre civile, comme c'est le cas dans son livre, c'est simplement parler de « l'humain dans la guerre », précise-t-il, même si « toutes les guerres ne se ressemblent pas ». Seul le fond intéresse Wilfried N'Sondé, qui assume « ses nombreuses étiquettes : parfois écrivain congolais, parfois français, parfois francophone... ».


Mais peut-on écrire sans tenir compte du lieu où l'on se trouve ? Pour l'auteur des Élégies libertaires (2003), Jean Blaise Bilombo Samba, le vécu est différent, et il évoque « le syndrome de l'écrivain africain ». Ce qu'Henri Lopès trouve un peu sévère, car il considère que le vécu émotif et psychologique est en nous : « le Congo est en moi », pense-t-il.


Pour la génération des Senghor, Aimé Césaire, le Noir est un être culturel, affirme l'auteur de Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois, Henri Lopes, qui pense qu'il faut aller plus loin, lire d'autres œuvres pour alimenter son inspiration, de sorte que « la littérature ne reste pas villageoise ». Il faut « qu'elle touche les autres, qu'elle parle au monde et que ce qui est écrit soit beau ». Sans faire abstraction de l'environnement, « l'expérience vécue doit être parlée au monde comme l'expérience rêvée : l'essentiel c'est de partager », ajoute Jean Blaise Bilombo Samba.

 

« Alors, où situer la distance entre l'écrivain et l'écriture ? », demande le modérateur. Elle n'existe pas, semble dire l'ambassadeur Henri Lopès, le Congo de ses livres étant son « Congo intérieur », le plaisir étant ce qu'il donne au lecteur, car, pour lui, « écrire, c'est faire l'amour avec mes lecteurs : il faut le faire le mieux possible », l'essentiel étant de créer une proximité avec le lecteur, de lui donner l'impression d'être présent sur le lieu de la scène. « Le Congo n'est pas un mirage lointain, car l'héritage culturel reste à jamais présent », pour Wilfried N'Sondé, qui se considère plutôt comme porteur d'un message universel.
En cinquante d'indépendance, la littérature congolaise a évolué, et le Centre de formation et de recherche d'art dramatique, créé en 1969, qui s'est nourri à ses débuts de la littérature congolaise, est aujourd'hui un espace ouvert avec des représentations diverses, variées et sans frontières.


La question de la langue ne se pose pas, affirment les trois écrivains à Yvan Amar. Le français est une langue congolaise, elle donne une certaine liberté : « Un Congolais qui écrit sur Marcel Proust n'en est pas moins un Congolais », estime Henri Lopès. Écrire en français n'est pas du marketing : le français est la langue d'expression littéraire des Africains francophones, mais elle n'est pas la seule.


Dans les chansons, par exemple, « nous nous exprimons en lingala pour mieux exprimer le pays », souligne l'ambassadeur « Mais le rapport à la forme, lorsqu'on écrit de la poésie en lingala, n'est pas le même qu'en français », ajoute Jean Blaise Bilombo, complété par Henri Lopès : « Qu'il soit poète ou dramaturge, rien ne change, l'écrivain n'est pas un grammairien : quand il écrit en langue française, il est à la fois dépaysé et en pays de connaissance ».


Yvan Amar veut connaître la nature des rapports que garde l'écrivain avec sa langue lorsqu'il fait de la musique et des textes dramaturgiques. Wilfried Nsondé pense qu'il fait partie des « Congolais nouveaux », ceux qui ont un éloignement avec la langue. Son univers est donc le français. Par contre, il est plutôt attaché « au son et au rythme avec un souci de la cohérence».

 

 

Noël Ndong

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